Il a fait fortune grâce à la chirurgie esthétique, mais au FC Nantes, Waldemar Kita s'est surtout distingué par une gestion erratique et des résultats décevants. Après l'avoir traité de tous les noms, les supporters l'ont désormais affublé d'un nez de clown.
« Mesdames, messieurs, bienvenue au ‘Kita Circus’ »: fin décembre, la musique de cirque et les commentaires sarcastiques diffusés à plein volume pour le premier entraînement de Raymond Domenech, éphémère 15e coach de l'ère Kita (hors intérims), ont donné le ton. La colère, récurrente depuis l'arrivée de l'homme d'affaires en 2007, s'est muée en moqueries distillées sur des centaines d'affiches, sur des cartes postales envoyées en masse au club, dans les manifestations qui précèdent désormais chaque match… En face, Kita, pourtant adepte des déclarations à l'emporte-pièce, garde le silence.
Il faut dire que Nantes ne l'avait pas attendu pour aller mal. A l'été 2007, le club venait d'être sorti de l'élite pour la première fois en 44 ans et avait connu cinq entraîneurs en sept ans, contre trois (Coco Suaudeau sur deux mandats, Miroslav Blazevic, et Raynald Denoueix) sur les deux décennies précédentes. Né en Pologne il y a 67 ans, arrivé en France à l'âge de 16 ans, Waldemar Kita, opticien de formation, a investi dans les lentilles de contact puis misé sur l'acide hyaluronique, utilisé pour combler les rides. Après la vente en 2006 de sa société Corneal au géant américain Allergan pour plus de 170 millions d'euros, il a créé les laboratoires Vicacy, qui travaillent sur les applications de l'acide hyaluronique dans l'esthétique mais aussi l'ophtalmologie, la rhumatologie ou la "médecine intime" (pour allonger les pénis ou lutter contre la sécheresse vaginale).
Le pactole de Corneal lui a aussi permis de reprendre le FC Nantes, après avoir fait ses gammes au FC Lausanne (1998-2001). Il y a laissé infrastructures et palmarès mais aussi une ardoise qui a fait plonger le club un an après son départ. Et de premiers soupçons sur la finalité réelle de sa frénésie de transferts… A Nantes, il s'est vite mis les supporters à dos en se coupant d'une grande partie des anciens et en tentant d'imposer sa patte sans pour autant la définir. Propriétaire et président cherchant à tout diriger à distance, il a ainsi souvent donné l'impression de choisir ses entraîneurs avant tout pour leur nom. Pour quelques réussites, comme Michel Der Zakarian (2007-2008 puis 2012-2016) ou Sergio Conceiçao (2016-2017), il a finalement connu beaucoup d'échecs et n'a pas ramené Nantes dans le Top 10 de la L1, son objectif affiché.
100 ME investis
Parallèlement, il fait l'objet depuis deux ans d'une enquête pour fraude fiscale qui pèse sur l'image du club. Début 2019, l'affaire a en effet participé à la décision de la métropole d'abandonner son projet de nouveau stade adossé à un complexe immobilier baptisé YellowPark. Une autre enquête a été ouverte sur la régularité de certains transferts, là aussi un sujet de contentieux retentissant avec les supporters et plusieurs anciens entraîneurs, qui accusent la famille Kita de multiplier les mouvements de joueurs et de commissions au seul bénéfice de ses réseaux. Un nom revient encore et toujours: Mogi Bayat, l'agent omniprésent, figure centrale du "footballgate" en Belgique, où il est soupçonné d'avoir manipulé des transferts pour augmenter ses commissions. La semaine dernière, Kita et Bayat étaient encore côte à côte, sans masque, dans les tribunes vides de la Beaujoire.
Si les supporters accusent Kita de profiter du club pour s'enrichir, lui assure y avoir déjà consacré plus de 100 millions d'euros de sa fortune personnelle. Face à l'ampleur de la fronde actuelle, plusieurs médias ont parlé cette semaine d'un projet de reprise associant Mickaël Landreau. L'ancien gardien des Canaris n'a pas démenti. Au fil des ans, Kita a déjà eu des contacts sporadiques avec des acheteurs potentiels. A l'été 2019, il n'avait pas été loin de céder ses parts au fonds d'investissement anglais LFE Football Group Limited, avant de se raviser. Actuellement, la famille n'est pas « à l’écoute » d'une éventuelle offre. « C'est notre club et on l'aime. Si dès qu'il y a un peu d'adversité, on était amené à lâcher, on ne ferait pas grand-chose », a assuré Franck Kita à la presse la semaine dernière.
Rédaction (avec AFP)